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Stéroïdes et hypogonadisme, un effet secondaire sous-estimé

Les effets secondaires classiques des stéroïdes anabolisants

Les effets secondaires dus à l’utilisation des stéroïdes anabolisants et autres androgènes (AAS) sont connus.

Parmi les plus courants : Hausse du LDL (mauvais cholestérol) et baisse du HDL, problèmes cardiovasculaires, acné, perte de cheveux, lésions du foie (oraux alkyles A17), gynécomastie (aromatisation), impuissance etc. Ces effets secondaires ne pèsent souvent pas lourd à côté de l’euphorie que peut entrainer la prise de muscle rapide grâce à l’utilisation de stéroïdes anabolisants.

Il est vrai qu’il existe pour chacun de ces effets secondaires, des « astuces » pour les contrer. Ces solutions miracles à défaut d’être efficaces, sont au moins rassurantes et permettent d’éviter de trop se poser de questions sur la potentielle dangerosité de cette pratique.

Parmi tous ces effets secondaires, nous allons nous intéresser au rapport entre les stéroïdes et la suppression de l’axe hypothalamo-hypophyso-testiculaire.

Stéroïdes et suppression de l’axe hypothalamo-hypophyso-testiculaire

Il est bien connu que l’administration de stéroïdes anabolisants androgéniques exogènes (AAS) conduit à la suppression de l’axe hypothalamo-hypophyso-testiculaire (HPT) par une rétroaction négative.

Un apport exogène d’hormones, se substitue à une production endogène naturelle. Ainsi, les hommes qui utilisent les AAS à des fins sportives ou pour leur améliorer le physique, sont sujets à risque de développer un hypogonadisme. Ce risque d’hypogonadisme est encore plus prononcé si ils ont consommé des AAS pendant des périodes prolongées (plusieurs cycles).

Les symptômes de l’hypogonadisme induit par les AAS, apparaissent habituellement pendant la phase de sevrage (post cycle). En effet, après avoir terminé un cycle d’AAS, ils sont habituellement caractérisés par une libido diminuée ou absente, ainsi qu’une dysfonction érectile, allant parfois jusqu’à des symptômes de dépression. Il a été démontré que des symptômes dépressifs peuvent parfois devenir sévères et même conduire à des idées suicidaires.

L’hypogonadisme, un sujet peu développé dans la littérature scientifique

L’hypogonadisme est un terme médical désignant un défaut de fonctionnement de l’appareil reproducteur et une perte de fonction des gonades (testicules). Malheureusement, le problème de l’hypogonadisme induit par l’utilisation d’AAS a rarement été discuté dans la littérature psychiatrique ou concernant la toxicomanie. La plupart des études disponibles proviennent d’urologues et d’endocrinologues. Ces études ont suggéré que l’hypogonadisme induit par l’utilisation de stéroïdes anabolisants serait probablement plus fréquent et plus persistant que ce qui est généralement admis.

Par exemple, dans une récente étude universitaire d’urologie concernant des hommes souffrant d’hypogonadisme, il a été montré que l’hypogonadisme induit par les AAS représentait 42 (43%) des 97 cas d’hypogonadisme profond (niveaux totaux de testostérone de 50 ng/dL ou moins, valeurs normales : environ 300-1000 ng/dL).

Un effet secondaire qui pourrait durer plus longtemps qu?’on le pensait

Les premières études sur les utilisateurs d’AAS ont généralement suggéré que l’hypogonadisme se résoudra graduellement après l’interruption de l’utilisation de l’AAS, avec un éventuel rétablissement de la fonction HPT normale en quelques semaines ou quelques mois après. Cependant, une littérature croissante de rapports de différents cas a suggéré que certains utilisateurs d’AAS présentent une suppression de HPT qui persiste pendant de nombreux mois après l’arrêt de leur cure. Au moins huit rapports ont décrit des cas d’hypogonadisme et/ou d’azoospermie persistant plus d’un an après la dernière utilisation de « stéros ».

L’hypogonadisme, un effet secondaire méconnu sur le long terme, étude à l’appui

Une étude américaine sur l’hypogonadisme suite à l?utilisation des stéroïdes anabolisants (AAS) a été réalisée sur des hommes de 35 à 55 ans.

Cette étude porte sur 24 anciens utilisateurs de stéroïdes anabolisants et 36 non-utilisateurs volontaires venant de Boston, USA. A noter que 5 des anciens utilisateurs de stéroïdes anabolisants ont recours à un traitement de remplacement physiologique de la testostérone (TRT). Ce qui laisse donc 19 ex-utilisateurs sans traitement.

Par rapport aux 36 athlètes ayant toujours été « cleans », les 19 anciens utilisateurs ont affiché des volumes testiculaires moins importants. Les ex-utilisateurs d’AAS ont aussi affiché des niveaux sériques de testostérone inférieurs et cinq d’entre eux avaient des taux de testostérone inférieurs à 200ng/dl malgré une période « off » de 3 à 26 mois (ce qui est inférieur à la production naturelle d’un homme de plus de 90 ans) ! Dans l’ensemble, 13 (54%) des 24 hommes ont manifesté des symptômes prononcés de l’hypogonadisme due à la période « off » de stéroïdes. Certains ex-utilisateurs ont aussi démontré des scores plus bas sur l’échelle du désir sexuel (cf. étude citée). Autre point intéressant à noter, dans le groupe global de 24 anciens utilisateurs traités (TRT) et non traités, sept d’entre eux (29%) avaient présenté des épisodes dépressifs majeurs pendant le sevrage d’AAS. Cependant quatre d’entre eux n’ont pas connu d’épisodes dépressifs majeurs. Deux hommes (8%) n’ont pas réussi à retrouver une fonction libidinale ou érectile normale malgré un traitement de remplacement de la testostérone. Ainsi, l’utilisation des anabolisants induit très souvent un hypogonadisme sur le long terme et non uniquement sur une courte période. Une production réduite de testostérone, problèmes de libido et diminution du volume testiculaire.

Le mythe de la relance ?

Le PCT (Post Cycle Therapy) est, pour beaucoup d’utilisateurs de stéroïdes, la solution miracle pour retrouver leur production endogène de testostérone.

Il semble que l’efficacité des PCT soit mise à mal par certaines études. Certains rapports ont décrit la restauration réussie de la fonction HPT post-cure suite à l’administration d’agonistes de la libération des gonadotrophines, tels que la triptoréline, les modulateurs sélectifs des récepteurs aux oestrogènes tels que le citrate de clomiphène (Clomid), ou les agents mimant la LH et la FSH hypophysaires tels que La gonadotrophine chorionique (HCG). Cependant, ces stratégies ne fonctionnent pas toujours. En particulier, certains patients peuvent réagir au Clomid, mais en dépit des taux élevés de LH et de FSH, ils ne normalisent pas les niveaux de testostérone, ce qui suggère des dommages irréversibles possibles aux cellules de Leydig.

Plus intéressant encore, un autre sous-ensemble démontrerait la perte continue du désir sexuel et de la dysfonction érectile même lorsque les niveaux normaux de testostérone sont restaurés. De tels cas pourraient représenter une résistance à l’organe terminal reflétant une régulation négative possiblement irréversible des récepteurs ou des mécanismes de signalisation des récepteurs aux androgènes.

La dépendance psychologique

Les observations présentées, pourrait suggérer que l’hypogonadisme représente probablement un problème émergent chez les consommateurs de stéroïdes et autres substances anabolisantes exogènes. Les symptômes hypogonadiques sont particulièrement préoccupants car ils peuvent inciter les individus à reprendre rapidement l’utilisation des AAS : On peut parler alors d’une dépendance psychologique. On parle souvent de « crash »  une fois que la cure de stéroïdes anabolisants est terminée, cela s’accompagne souvent d’une sensation de mal-être, de dépression etc.

Ce trouble semble d’après la littérature scientifique, se développer chez 1/3 des utilisateurs d’hormones exogènes.

Source : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4398624/

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